Gaston CHAISSAC (1910-1964), peintre
Lettre autographe signée adressée à un professeur. 2 pages in-4. Sans lieu, ni
date.
Intéressante lettre dans laquelle il s’explique sur son besoin d’écrire et son dernier
projet : écrire sur les Juifs.
Il a demandé à son médecin de « sana » (sanatorium) ce qu’il pensait d’une « cure
morale ». Il lui a répondu que « ça pourrait peut-être faire quelque chose ». Depuis,
il se rend chez son correspondant ne faisant qu’obéir à son docteur mais se
pose la question de la « raison d’être » de venir chez lui. Il a demandé à son professeur
de pouvoir lui écrire : « Écrire est un besoin chez moi. La majorité préfère dire
sa pensée que de l’écrire. Dire sa pensée, c’est souvent prêcher dans le désert car
ceux à qui vous voulez la dire ne pensent pas à vous écouter. Leur unique souci c’est
de dire la leur. Tout le monde parle, personne n’écoute. Écrire sa pensée c’est plus
sûr, ça a des chances de parvenir à d’autres, c’est comme un prospectus qu’un
démarcheur laisse à un client récalcitrant. Et comme on apprend d’avantage en
écoutant les autres qu’en s’écoutant soi-même, il y a beaucoup d’ignorants ».
Il ajoute qu’il pense être dans le vrai en écrivant des choses « contradictoires »,
« dans l’ensemble ça tient debout (…) » et qu’il emploie « tout ce qui peut exister et
amener vers l’équilibre. Équilibrer ce qui ne l’est pas tel est mon souci ». Il se pose
la question où cela va le mener : « peut-être en prison, mais cela m’est tellement
égal ».
Son projet est d’écrire sur les Juifs : « Je les connais pour avoir habité parmi eux et
d’avoir habité parmi eux m’a fait du tort, on me prenait pour un d’eux ». Il les voit à
sa façon : « J’ai beaucoup étudié leur utilité, leur raison d’être. Je me demande si les
Allemands sont capables de se passer d’eux et si un jour, ils ne seront pas obligé de
les rappeler ». Il projette aussi d’écrire sur leur « sobriété » et « leur rôle comme
fréneur de la goinfrerie des goinfres ». Il se pose également la question de savoir si
la religion chrétienne pourrait leur convenir, mais il n’a pas pu étudier un assez
grand nombre de Juifs, affirme néanmoins : « le Juif a peu de besoin, ce n’est pas lui
qui ferait de son poids succomber l’humanité ». Son étude n’est pas encore au point
et « ce sera naturellement contradictoire ». Parce qu’il a besoin d’écrire, il envie
« les gens sans imagination, sans raisonnement et sans asthénie ».
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