Prosper-Alphonse ISAAC (1858-1924), graveur sur bois à la manière japonaise, décorateur Art nouveau.

Correspondance de 13 lettres autographes signées (environ 27 pages) adressées à son élève Joseph Plat et 2 lettres de Joseph Plat renvoyées avec des commentaires d'Isaac. Petit in-4, 2 lettres se dépliant en hauteur en 3 ou quatres plis, 1 lettre illustrée de poussins gravés. Généralement écrites depuis Paris, 11 passage de la Visitation, 1913-1914.

L'expérimenté graveur Isaac répond aux questions de son élève, décrit avec patience et minutie (parfois à l'aide de petits schémas) la technique de la gravure et de l'impression des estampes japonaises.

Isaac fait de multiples commentaires encourageants sur les envois de son élève. "Le procédé est très bien, c'est tout à fait compris dans le sens de la gravure sur bois au couteau".

Ses courriers sont truffés de conseils sur les techniques qu'il contextualise : "Plus l'art a avancé plus l'habileté et la technique ont été remarquables au Japon comme ailleurs du reste, mais au détriment d'un autre charme qui a disparu. Les estampes de Shinobi Shoin sont d'une habileté folle et pourtant un petit croquis des livres de Kitao Keisai Masayoschi ou un petit paysage d'Hiroshighé vous donnent dans leur simplicité une émotion d'art que les oeuvres modernes ne donnent pas".

Isaac insiste parfois sur le fait qu'il est difficile par correspondance "de donner des détails sur une technique aussi minutieuse que celle de la gravure sur bois de fil et l'encrage à l'eau".

Il le conseille aussi sur des espèces de bois : cerisier et poirier, "mais il faut que le bois soit très très bien raboté et non fini au papier de verre mais bien glacé au rabot. La surface doit être très lisse (...) graver dans le fil du bois et non en bois debout, graver au couteau et non à l'échoppe".

"Faites pour essayer des dessins très simple au pinceau et à l'encre de Chine sur un papier mince et transparent, collez le à l'envers sur le bois, suivez le trait des deux côtés avec le petit couteau..." puis il continue minutieusement son explication de la manière de graver le trait.

Il le conseille également sur les tirages ("une besogne de peintre") et lui propose qu'il lui envoie ses premières épreuves.

Parfois, Isaac, lorsque son élève se déplace à Paris lui donne rendez-vous à son atelier. Il le prévient que Monsieur Zay, un fournisseur, va enfin recevoir les caisses attendues depuis le mois de septembre ("cet envoi sera distribué dès son arrivé aux nombreuses personnes qui l'attendent"). On apprend que l'envoi a finalement encore eu du retard.

Isaac reçu la tête de tigre de son élève : "vous avancez à grands pas et vous faites des bons de tigres (...) Je crois que pour les tons dégradés il faut, avec le petit chiffon de mousseline de coton mouillé, frotter le bois plus que vous semblez l'avoir fait, et avec la brosse fondre légèrement la couleur en dépassant la partie humide du bloc de bois". Il lui donne également dans deux lettres des conseils sur les brosses et la manière de les préparer.

Il lui fait parvenir "deux blocs de bois japonais ancien (...) le second bloc (...) est un fragment d'un estampe d'Hiroshighé dont certaines parties ont encore le papier collé sur le bois et jamais gravé. Ce bois vous sera utile pour voir la coupe du bois, les encoches, la profondeur donnée à la gravure, etc."

Isaac évoque une fois le marchand Toussaint "qui m'a dit vous avoir envoyé des choses de la Shinobi Shoïn dont il a été plus ou moins l'agent (...) Les gravures les plus extraordinaires de la Shinobi Shoïn sont faites avec le petit couteau que vous avez entre les mains. Cet outil suffit à tout". Enfin, il lui envoie un baren (outil pour l'impression) recouvert de sa nouvelle enveloppe de bambou.

Prosper-Alphonse Isaac se forma en France vers 1912 auprès du graveur japonais Yoshijirô Urushibara venu en Europe faire des démonstrations de xylographie polychrome. Il signa ensuite un article de référence dans la revue Art et Décoration en 1913.

Emilie Vabre : Prosper-Alphonse Isaac, entre régionalisme et japonisme, E. Vabre, 2010.

Lea Saint-Raymond : Fragments d'une histoire globale de l'art, Rue d'Ulm, 2022.