[Gouvernement de la Défense nationale]
Adolphe CRÉMIEUX (1796-1880), homme politique, avocat
2 intéressantes lettres autographes signées adressées à « Emmanuel » ; il s’agit d’Emmanuel Arago, ancien ministre de l’Intérieur. Entre février 1871 et octobre 1872.
Adolphe Crémieux n’est apparemment pas encore député d’Alger, mais les deux lettres évoquent l’Algérie et ce qu’il a fait pour ce département lorsqu’il était ministre de la Justice puis ministre de l’Intérieur (période du Gouvernement de la Défense nationale). Il est largement en désaccord avec la conduite politique de la République, en Algérie particulièrement.
1) 4 pages in-8. [après février 1871], La Commanderie près Ballan (Indre-et-Loire). Sans lieu, ni date.
Plusieurs noms de personnalité sont cités : Ernest Picard, éphémère gouverneur de la Banque de France ; Louis Henri de Gueydon, gouverneur général de l’Algérie ; Léon de Malleville, député.
« On nous démolit pièce à pièce par des décrets exécutifs et personne ne dit mot. Le gouverneur Picard [il s’agit d’Ernest Picard, 1821-1877, le 5 juin 1871, un décret de Thiers le nomme gouverneur de la Banque de France, à Bruxelles] a été (…) dans cette parole ».
« Ce gouvernement avec lequel je n’ai jamais été n’a de fait pas de cœur. Et il a nettement agi comme il a parlé. Par un arrêté décret, il nomme gouverneur général civil un amiral Geydon [il s’agit de Louis Henri de Gueydon] qui parle bravement et publiquement dans un discours d’apparat contre notre décret. C’est déjà un grand mal, mais il fait la plus (…) qui d’un seul coup renverse le plus solide fondement de notre gouvernement avec un décret qui (…) détruit le décret du 4 février qui avait établi la décentralisation financière et rétablit la centralisation aux mains de son gouverneur civil à qui il le délègue ».
« C’est un acte d’autant plus abominable » car Picard aurait eu une politique plus éclairée.
« Comme il me semble, mon cher Arago, que vous n’avez pas bien compris notre (…) algérienne, je vous (…) l’envoie avec ce mot au ministère de la justice ; c’est la seconde partie d’un travail considérable dont la première renferme l’œuvre austère de la délégation de Tours et Bordeaux. Elle est tirée depuis le 1er mai dernier (…) à la chambre mais devant toutes les colères et les aveuglements je ne veux pas publier et j’attends.
Et maintenant je vais vous expliquer l’envoie de la seconde partie ».
« MM [il y a 4 noms de députés qui sont cités] vont recevoir chacun un exemplaire « à titre confidentiel » (…). « Je vous recommande donc, comme à eux quatre, un secret absolu sur cette communication. »
« Je veux aussi vous dire un mot plus particulier encore. Je vous enverrai dimanche à vous et à Léon de Malleville [député] seuls, ma première partie. Vous la lirez : elle a deux ou trois colères contre votre gouvernement de Paris qui a tué la République en ne (…) laissant pas faire des élections et qui s’est conduit couramment avec colère contre nous (…). »
2) 2 pages in-8. Trouville, sans date [après février 1871]. Déchirure et effacement de l’encre avec perte d’au moins un mot sur le bord droit.
Intéressante lettre dans laquelle, pour différentes raisons non identifiées, Crémieux (qui fut "Délégué » pour représenter le Gouvernement et en exercer le pouvoir) défend après-coup son bilan, évoque sa relation avec Gambetta. La lettre mentionne aussi une affaire de "recel" de lettres de Gambetta.
« Cher Emmanuel, votre gouvernement de Paris a été indigne avec nous, affreux avec moi. C'est le général Trochu qui m'apprend...de Gambetta et les lettres. Je n'en ai connu qu'une seule que j'ai vue et prise sur la table de Gambetta. Vous aviez fait de Gambetta tout notre gouvernement, ne vous adossant jamais qu’à lui. Quant à moi président de nom, j'étais ... sans règle. Comme je trouvais à Tours et Bordeaux une confiance absolue et que Gambetta, en-dehors de ce concernait son rapport avec Paris et une partie de sa correspondance avec les généraux, dont je ne savais pas le recel, a toujours été pour moi dans les termes les plus parfaits, comme jamais, au Conseil, nous n’avons entendu parler de ces deux voix, je me suis dépensé tout entier et je n’ai pas fait moins de trente décrets pour l’Algérie, de 22 pour la justice, de plus de 20 dans mon autre ministère, je n’en n’ai eu ni (…), ni mérite. Ne croyez pas pour autant que je sois blessé. D’abord vous savez que mon caractère ne connait malheureusement pas la rancune (...). » Avant de signer : « Bon courage ami. Moi, je ne tiens absolument à l’écart, à moins que la situation ne m’ordonne une autre révolution ».
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