Francis Poulenc

Francis POULENC (1899-1963), compositeur et pianiste.

 

"Léon-Paul Fargue".

Magnifique manuscrit autographe signé en hommage au poète. 6 pages in-8. Non daté, vers 1950.

 

"Tu demeures, intact, pour moi l'errant nocturne qui a enchanté ma jeunesse"

 

"J'ai longtemps cru que j'avais rencontré Fargue, pour la première fois, dans la librairie d'Adrienne Monnier où j'allais souvent, avec Raymonde Linossier, jusqu'au jour où, écoutant dans un bouleversement ravi le vieux disque des "Poissons d'or" de Debussy, par Ricardo Viňes, j'ai tout à coup revu, auprès de mon maître du piano, le visage, alors barbu et doucement clignotant, de Léon-Paul Fargue. Je n'ai jamais connu personne qui écouta avec autant de gourmandise la musique que Fargue ; surtout celle de Debussy et de Ravel qui étaient ses dieux.  Fargue était un des rares poètes qu'on voyait très souvent au concert.

Pour Valéry - Apollinaire - Eluard - Max Jacob (je ne parle que des poètes que j'ai bien connus) la musique n'était, en quelque sorte, qu'un agréable superflu.

Pour Léon-Paul Fargue, c'était son pain quotidien.

"Pour la musique" n'est-ce pas plus qu'un titre mais un aveu d'amour.

Aussi, chaque fois que j'évoque Fargue, c'est toujours sur un fond sonore.

Nulle part son image n'est plus à sa place que dans le salon des Gobelins où, le dimanche soir, aux environs de 1920, se réunissaient Ravel, Falla, Satie, Roussel, Gide, Vuillard et souvent Stravinsky, Diaghilev et Massine.

Comme ces soirées ne finissaient jamais tard, Fargue me proposait souvent "un tour de Boeuf sur le toit".

Parfois, Misia Sert, enchaînée de diamants et bardée de zibeline, nous proposait de nous descendre, en auto, de la rue d'Athènes, à la rue Boissy d'Anglas, mais Fargue préférait marcher, dans la nuit.

Après avoir laissé Ravel à l'hôtel d'Athènes et Gide au Nord-Sud Saint-Lazare, nous prenions la rue Tronchet où nous rencontrions souvent une péripatéticienne que nous avions connue d'une façons cocasse, une dimanche soir. Sa chevelure auburne ayant fait tiquer Fargue, la dame prit ce regard pour un engagement et s'enhardit d'un "T'es vieux, gosse" auquel Fargue le mégot en berne, répondit imperturbablement : "ma mère me le défend".

Stupéfaite, la fille poursuivit Fargue en hurlant : "Ballot ! Ballot ! Calottin !

Nous éclations de rire et un verre, bu dans un café de la place de la Madeleine scella une camaraderie quasi dominicale, avec cette soeur de l'uni jambiste de la rue de Sèze qui avait, tout à tour, à cette époque, refusé d'épouser un notaire, un banquier et un médecin.

Mon cher Fargue, il n'y a pas que la rue Tronchet où je t'évoque, lorsque j'y passe le soir.

Que d'aspects du Paris nocturne tu m'a appris à regarder à travers tes yeux de poète !

Je ne t'ai jamais revu, paralysé. J'en ai eu bien longtemps des remords mais, grâce à cela tu demeures, intact, pour moi l'errant nocturne qui a enchanté ma jeunesse".

 

Francis POULENC

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