René MARTINEAU (1866-1948), écrivain, critique, biographe.
Correspondance autographe signée de 12 lettres adressées à Henri Devaux qui travaille au Mercure de France. Depuis la Verderie (Ille-et- Vilaine), plus 20 p. in-8. 1946-1948. Enveloppes conservées.
Bloy et les « bloyeurs ».
10 décembre 1946 : Martineau débute sa lettre par un « cher bloyeur » en référence à Léon Bloy. Il lui demande l’adresse de Charles Henry Hirsch avec lequel il a toujours eu de bonnes relations et dont il n’a pas de nouvelles depuis 1940. « Borrel [Eugène Borrel] est un des meilleurs bloyeurs et je suis heureux qu’il ait parlé de Bloy ». Il est étonné que Marie-Joseph Lory ne soit pas mentionné dans le groupe.
21 décembre 1946 : « cher confrère bloyeur ». Il le remercie pour l’adresse de Charles Henry Hirsch et lui demande si Pierre Arrou a bien reçu un exemplaire de son livre. « Le livre de Lory est plus qu’intéressant, c’est un des meilleurs publiés sur Bloy (…) Il avait seul raison devant une époque où tout le monde avait tort ». Le concernant, tous ses livres sont épuisés et il ne trouve pas d’éditeurs pour les réimprimer.
28 janvier 1947 : il constate avec joie que ce qu’il avait prédit, il y a 50 ans, se réalise : « le succès de Bloy, l’enthousiasme qu’il provoque. En même temps je songe au mépris provoqué jadis par mes écrits en faveur du maître prodigieux ». Beaucoup ont changé d’avis, « surtout chez les catholiques ». S’il rencontrait un admirateur de Bloy, « c’était Richepin, Rachilde, Vallette ».
Il le renvoie aux « Lettres de Bloy à René Martineau » et « Léon Bloy – souvenirs d’un ami ». Se souvient des deux premiers livres qu’il a lus de Bloy : Sueur de sang puis Le Désespéré, vers 1897.
Il s’est ensuite imposé de lire tous les livres cités par Huysmans. Dans la lettre, il critique le livre de Georges Rouzet, « sans être mauvais, n’est pas très bon », tandis que l’édition du Barbey d’Aurevilly de Bernouard, est « épouvantable de laideur, avec des fautes d’impression à toutes les pages »
9 mars 1947 : René Martineau a reçu le 100e numéro du Mercure, les lettres de Bloy sont charmantes. « Vous avez causé avec Rachilde. Elle fut romancière de grand talent et elle est un peu trop méconnue. Je crois qu’il ne fut jamais question de son entrée à l’Académie Goncourt (…) Cette académie est devenue une réunion de médiocres à deux ou trois exceptions près. Aller chercher Alexandre Arnoux quand on a Rachilde ou Germaine Beaumont, c’est stupéfiant ».
Il évoque une thèse en cours sur Tristan Corbière, développe un portrait de Raïssa Maritain et de son livre Les Grandes amitiés, demande si Devaux a entendu parler de la revue Occident, revue intercontinentale de luxe, et s’il connaît le musicologue Roland Manuel.
7 avril 1947 : il critique le Mercure qui oublie Huysmans : « on ne réagit pas en face de ces âneries ». Il se plaint de n’avoir que des félicitations de l’étranger à propos de son dernier livre. Il donne des précisions littéraires, notamment sur un article de Rachilde, sur la revue Le Goéland, des avis sur les livres de Béguin et Stanislas Fumet sur Bloy. Il a rencontré l’étudiant qui envisage une thèse sur Corbière.
17 septembre 1947 : est évoquée la cérémonie du centenaire de la naissance du poète Corbière « le médaillon est très réussi, c’est une œuvre d’art de bon goût et d’une exécution vigoureuse ».
19 septembre 1947 (Les Saints Anges) : « Les articles sur Corbière sont presque tous médiocres ou idiots », il se sent pillé : « Les chroniqueurs sont de vulgaires voleurs et écrivent comme des pieds », un seul article lui paraît intéressant, celui de Chabaneix, alors que « l’article de Kemp dans les Nouvelles Littéraires est une pitoyable chose ».
Il est en train de lire les contes d’Oscar Milosz, « charmants et originaux ». Il va aller voir son ami le peintre Charles Adolphe Bischoff (1872-1960).
12 octobre 1947 : il n’est pas satisfait de la manière dont Henri Devaux se réclame de lui.
25 novembre 1947 : Pour lui l’incident est clos. Sa santé est fragile.
21 décembre 1947 : il répond à propos de sa lecture partielle d’un ouvrage de Gaëtan Bernoville sur Notre-Dame de La Salette : « il veut appuyer les ignominies des chapelains de La Salette ».
1er janvier 1948 : « Nous avons une grande confiance en Dieu, mais l’existence est pénible ».
Il est joint le faire part du décès de René Martineau.